Par Olivier ABEL professeur de philosophie à la Faculté de théologie protestante de Paris, membre du Conseil national sur la bioéthique.
Notes de C. Viguié 11octobre 08 « Economie et bonheur » Journée d’Evangile et Liberté
Beaucoup plus qu’une crise financière, nous vivons une crise fiduciaire (de confiance).On découvre le bonheur quand on l’a perdu (cf Plotin) le mal le plus pro fond. Cf Bayle : Pourquoi les fibres du bonheur s’usent-elles ? Monod « le problème du bien » Schoppenhauer on est comme des horloges avec le besoin à certains moments de malheur ou de bonheur. Dans le bonheur il y a un problème de TEMPS (le bonheur est la faculté d’oublier cf Nietzsche) ; chercher à le reprendre, à revenir au bonheur… Il y a aussi le rapport aux autres.
Le partage permet de communiquer. (Kant) Vouloir partager peut être imposé : l’obligation du bonheur est impossible. La crise économique est l’impuissance à partager le bonheur avec proches et lointains (générations suivantes). Le problème est que le bonheur va avec un mode de vie pas généralisable et pas durable : changeons notre mode de vie (frénésie de déplacements) avant d’y être obligés. Le capitalisme mondialise les échanges, avec le besoin d’ouvrir des portes nouvelles et des différences qu’il broie et nivelle tout en créant d’autres différences. Il s’agit d’un processus énorme brassant pauvreté (peu de connexions, fidélité) et richesse (réseaux de communication) : les nouveaux riches donnent l’image du bonheur dans une société donnée = différence entre différentes cultures… Cf Pasolini (lettres italiennes) la pauvreté est-elle le pire des malheurs ? Certaines pauvretés dans différentes cultures donnent une image de vie humaine « autrement », d’une vie simple avec moins de connexions et que certains riches désirent.
Le capitalisme protestant productiviste (USA), a des limites : il faut dépenser ce qui a été accumulé ; il y a un temps pour bâtir et un temps pour démolir, jeter l’argent par les fenêtres…
Aujourd’hui la crise est liée aux limites du besoin de consommer, l’économie en a besoin mais le cœur n’y est plus. La crise économique est liée aux limites :
- énergétique : pétrole facile est fini avec le plastique en un siècle ! terre, eau…
- déchets et agriculture
- pauvreté, chômeurs, migrations (écologiques) pour survivre… - pillages…
Un éboulement : l’investissement dans la recherche, la connaissance (le mépris actuel de la science conçue comme purement instrumentale est très grave)… Cet investissement pour soi tout seul est très grave ; cette fuite en avant technique suppose les guerres et une planète foutue, comme une impasse de notre psychisme, de notre intelligence…
A) mesurer en quoi nous ne sommes pas assez intelligents (cf Tintin dans l’étoile mystérieuse)…
B) Considérer que ce n’est qu’un éboulement et aider à déconstruire, démythologiser le mythe de la croissance…
C) Avoir confiance dans la durée. Ce n’est pas la fin des temps…
Notre idole c’est la croissance, notre dieu (activisme et pessimisme à remodeler)… C’est une religion actuellement. Il y a des limites à croissance et développement. Nous vivons un moment épique de bouleversements. Voir la poétique du déclin : ne pas tout le temps accumuler mais décliner, comme le soleil…
Même sans crise économique, politique, il y a aussi une image de la vie heureuse qui ne tient pas ses promesses. Accepter que nous ayons fait des sacrifices pour rien. Nous avons pris de « sales » habitudes (corps, -objet-eau chaude- accoutumance aux déplacements, aux objets neufs) et de cohabitudes.
Il nous faut changer d’idées, d’habitude, d’imaginaire… Cf Ricoeur la piétique change notre imaginaire.
Le christianisme et le Nouveau Testament cf Emerson juillet 38 : « le bien est positif, le mal est négatif »… Dieu existe, Il parle, ce n’est pas au passé composé… La foi, la parole nous fabriquent et pas l’inverse. Il faut sortir de l’idée de l’abondance, accepter d’être perdu, cesser de vouloir tout sauver, tout garder… Reprendre appui sur la perte, sinon ce sera la destruction.
Au cœur du bonheur, il y a la gratitude, même pour celui qui n’a rien… C’est ce qui nous manque pour le bonheur. Rompre avec le mérite en remettant le hasard au cœur de nos bonheurs… Accepter la fugacité des bonheurs et s’y abandonner avec confiance… Reconnaissance, gratitude, sont les moteurs de l’action humaine qui fait d’une dette un crédit et rend les gens responsables (cf Pensées pour moi-même de Marc Aurèle)… La fragilité produit de la puissance.
A) Nous avons besoin de différer ensemble, d’un monde, d’une cité, d’une Eglise qui soient un espace commun d’apparitions. Cf Basile Il n’y a de bonheur que mutuel… Universalisable mais pas universalisé par une loi définitive… Trouvons notre bonheur dans ces décalages.
B) Besoin de se montrer, de partager sa joie, de se connaître avec les autres sur la scène de l’Eglise ou sur d’autres scènes, 77 fois 7 fois. La parure est le fond des choses…
C) Besoin aussi de se retirer pour pouvoir se montrer, par courtoisie, pour laisser la place à la génération suivante… Le bonheur n’est plus de se connaître mais d’être avec les autres… La confiance en soi : le bonheur est aussi un temps pour diminuer, recevoir, pour la réceptivité, le contentement…
Référons-nous à Paul Ricoeur : « Nous sommes comme dans une conversation qui a commencé avant nous, dans laquelle on intervient en un 2ème temps, et qui se poursuit par une réponse. » La docilité, c’était de l’esclavage, il y un besoin du discours de la rébellion… Il faut faire autant l’éloge de l’attachement que celui de l’émancipation… On n’est ni dans la totale passivité ni dans la totale activité.